Texte de loi transphobe : l’interdiction des traitements hormonaux avant 18 ans et contrôle strict des prescriptions de « bloqueurs de puberté ».

Couleurs Gaies appelle à lutter contre le texte de loi transphobe qui prévoit l’interdiction des traitements hormonaux avant 18 ans et le contrôle strict des prescriptions de « bloqueurs de puberté » et plus largement contre l’offensive anti-trans politique et médiatique.

Aujourd’hui, en raison d’une plus grande visibilité et d’une meilleure acceptation des communautés LGBTQIA+ dans notre société, on observe une augmentation des personnes assumant leur transidentité ouvertement, et ce, parfois dès le plus jeune âge.

Ceci n’est pas sans lien avec les progrès sociaux tels que la loi sur le mariage pour tous de 2013, facilitant la sécurité des personnes LGBT qui se sentent plus à même d’effectuer leur “coming-out”. Mais comme lors de toute avancée sociale, et tout particulièrement lorsqu’elle bouleverse autant les normes établies comme c’est le cas de la transidentité (et comme cela l’a été auparavant avec le féminisme et l’homosexualité), cela suscite l’hostilité de la part de groupes à l’idéologie réactionnaire qui voient dans cette augmentation de coming-out une “contamination sociale”. Cette idée, dont on entend beaucoup parler aujourd’hui, a pour but de discréditer cette communauté et faire passer des lois en faveur de leur idéologie intolérante.

Par ailleurs, être visible signifie s’exposer à des menaces physiques ou psychologiques. 

A travers le monde, nombreux sont les États qui criminalisent encore l’homosexualité et la transidentité. Plus récemment, une vague croissante de pays font marche arrière sur les droits LGBTQ+ et tout particulièrement sur ceux des personnes transgenres. En Russie le mouvement LGBT+ est interdit depuis novembre 2023, menant à une augmentation du taux de crimes de haine, selon la Division Information Documentation et Recherche (DIDR) de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides.

De nombreux pays promulguent des lois anti-trans et plus particulièrement concernant les mineurs transgenres, comme certains États Américains conservateurs. Plus récemment encore, le Royaume-Uni vient de faire rentrer dans sa constitution une loi interdisant les espaces de repos et d’hygiène aux femmes transgenres.


Un rapport basé sur de la pseudo-science

En France, conséquence juridique d’une panique morale concernant les mineurs transgenres, un groupe de sénateurs-trices Les Républicains a décidé de suivre ce mouvement en réalisant une proposition de loi contre les transitions de mineurs qui ferait de la France un des États européens (ayant fait marche arrière) les plus conservateurs sur ce sujet.

Cette loi se base sur le “rapport sur la transidentification des mineurs” du 18 mars 2024, émis par le parti Les Républicains (avec des cosignataires Rassemblement National), lui-même basé sur les “trouvailles” des directrices de l’Observatoire de la Petite Sirène, un collectif de soi-disant chercheurs (psychiatres, psychanalystes…) formé en réaction à l’augmentation des “coming-out” transgenres citée plus haut. Entre autres, l’Observatoire accuse les médecins de prendre en charge immédiatement et sans concertation les mineur.es transgenres (selon leur propre site web). Cette organisation a été fondée par des psychanalystes. La psychanalyse est une discipline visant à “étudier des processus mentaux inaccessibles autrement” (“Vocabulaire de la psychanalyse”, Jean Laplanche et Jean-Bertrand Pontalis). Si ceci paraît vague, c’est parce que ça l’est. La psychanalyse est aujourd’hui considérée comme une pseudo-science et n’est par conséquent pas recevable comme justification dans une étude de nature médicale. Nombreux sont d’ailleurs les pays à ne pas y prêter la moindre attention au vu de l’impossibilité d’édifier des tests empiriques reproductibles (Karl Popper, philosophe des sciences) et de son efficacité questionnable (méta-analyse de l’Inserm, 2004-2012).

On peut prendre par exemple la prise en charge par la psychanalyse de l’autisme, qui fut sévèrement critiquée par la Haute Autorité de Santé en mars 2012 (“Recommandations de bonne pratique, autisme et autres troubles envahissants du développement : interventions éducatives et thérapeutiques coordonnées chez l’enfant et l’adolescent”).

Au vu de ce manque de rigueur scientifique, allant jusqu’à exclure les autorités compétentes (comme la Haute Autorité de Santé, l’Organisation mondiale de la Santé, ou encore l’Ordre National des Médecins, qui sont bien davantage qualifiés à statuer la question sur les problèmes médicaux et éthiques) et dans un climat de tension vis-à-vis des personnes LGBTQIA+, il y a fort à parier que ce “rapport” n’est pas de bonne foi et qu’il est idéologiquement motivé, issu d’une volonté malsaine et délétère, sans considération pour la santé des personnes concernées, sur laquelle la proposition de loi est si négativement impactante.

Un manque d’études et de sources sérieuses sur le sujet

Un point à prendre en compte concernant les études faites dans ce rapport, est l’absence complète de spécialistes concerné.es sur le terrain dans les prises en charge des personnes transgenres.

La Haute Autorité de la Santé, ou encore les équipes pluridisciplinaires au sein des structures de soin, possèdent un cadre réglementé sur le suivi des mineur.es transgenres et qui ne se fait pas “au loisir” ou juste par “envie” mais selon des dossiers soigneusement examinés et discutés par la commission. Priver ainsi ces personnes dans le besoin de traitements et de soins est à l’encontre même de la bienveillance envers les enfants y nécessitant, toujours en accord, rappelons-le, avec les représentants légaux de l’enfant, en l’occurrence souvent les parents. Rappelons aussi que les opérations de réassignation sexuelle n’ont en aucun cas lieu sur des personnes mineures, ce type de chirurgie n’étant déjà accessible qu’à partir de 18 ans et imposent encore un suivi psychiatrique sur plusieurs années. Les seules opérations génitales sur mineur.es concernent les enfants intersexes que l’on opère à la naissance, ce qui est hors du contexte de la transidentité et n’intéresse pas les rapporteur.ses de cette proposition de loi.

Concernant les comorbidités, rappelons que la prise en charge pour transidentité se fait au sein d’une équipe pluridisciplinaire, alliant plusieurs professionnel.les de santé dans des domaines variés, mais en passant aussi par de nombreux examens annexes : densitométrie osseuse associée à un traitement pour prévenir l’ostéoporose, IRM, prises de sang régulières, caryotype, cardiologue ou encore échographie pelvienne sont au rendez-vous. 

D’après les chiffres en possession de la CNAM, 3.3% (294 en 2020 en France) des titulaires de l’ALD 31 (celle relative à la transition de genre) sont mineurs. Interdire les traitements de manière impartiale et arbitraire à ces personnes reviendrait à interdire une prise en charge potentielle pour des centaines de concerné.es dont la nécessité est présente. 

De plus, selon une étude de 2022 d’endocrinologie, une corrélation entre la prise d’hormones chez les mineurs et la continuité du traitement est démontrée : la poursuite du traitement hormonal est plus importante chez les personnes transgenres ayant débuté leurs traitements avant 18 ans avec l’aide de leurs parents que ceux ayant débuté adultes. L’interdiction de tels traitements reviendrait donc à accentuer un découragement des concerné.es face au long et difficile parcours de soin nécessitant des années de suivi. 

Un rapport motivé par une idéologie transphobe

Prétextant un “manque de neutralité”, ce projet de loi remet également en cause le peu d’ouverture de l’Education Nationale aux mineur.es transgenres en demandant l’abrogation de la circulaire Blanquer autorisant les élèves à utiliser à l’école leurs prénom et pronoms choisis ainsi qu’à accéder aux espaces non-mixtes en accord avec leur identité de genre, et ce, avec l’autorisation des représentants légaux, comme si le bien-être à l’école était une question de politique.

Ce rapport conservateur et profondément transphobe nous montre à quel point les acquis sociaux et les droits des minorités sont fragiles et menacés. 

La communauté trans étant déjà marginalisée, c’est une proie facile pour les réactionnaires de tout bord, mais n’oublions pas que leur but une fois atteint, ce sont aux droits des homosexuel.les, puis à ceux des femmes qu’ils s’attaqueront, à l’instar de ce qu’il se passe aux Etat-Unis, avec le recul sur le droit à l’IVG.

Interdire tous traitements hormonaux ou bloqueurs de puberté aux mineur.es impliquera que les jeunes filles pourraient ne plus avoir la possibilité de se voir prescrire un contraceptif, de même qu’interdire toute opération mammaire avant 18 ans pour les jeunes hommes trans, reviendra à aussi l’interdire pour les jeunes filles cisgenres qui auraient besoin d’une réduction mammaire. Et quid des enfants ayant une puberté trop précoce et qui auraient besoin de bloqueurs de puberté ? Ou de ceux qui, au contraire, ont une puberté tardive et qu’un traitement hormonal pourrait aider ?

Derrière chaque pas en arrière fait sur les droits des minorités sexuelles et de genre, c’est un recul des droits plus généraux qui l’accompagnent car il est ici question d’un combat universel, celui du libre choix de disposer de son corps.

A une époque où la santé mentale des enfants et des adolescents, et où le domaine de la santé ont tendance à se dégrader, déposer une telle proposition de loi est un coup de poing au visage de ces jeunes et de leurs familles qui souffrent déjà d’un manque d’accompagnement et de soins adaptés ainsi qu’à toutes les personnes transgenres qui subissent de nombreuses discriminations dans tous les aspects de leur vie et pour qui la transition reste encore aujourd’hui un long parcours du combattant.

Nous conclurons sur l’avis de la Défenseure des Droits au sujet de ce rapport, soulignant qu’une “telle interdiction (…) risque de porter atteinte au droit à la santé de l’enfant ainsi qu’à l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle introduirait des incohérences dans les règles applicables susceptibles de constituer une discrimination fondée sur l’identité de genre. (…) La Défenseure des droits considère donc que les articles 1 er et 2, en interdisant l’accès à des soins pouvant être utiles au bien-être de mineurs, méconnaissent leurs droits au regard de la Convention internationale des droits de l’enfant. ”

Par conséquent, Couleurs Gaies se mobilise depuis plusieurs semaines, aux côtés d’autres organisations, pour protester contre le projet de loi porté par des élus du parti Les Républicains et voté au Sénat fin mai. Nous invitons les associations, syndicats, et tou.te. personne soucieuse de dénoncer une société sectaire et réactionnaire, à rejoindre massivement, et dès à présent, la lutte contre l’offensive anti-trans.

Contact presse :

Stéphanie Lipaux, Présidente de Couleurs Gaies

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CP – Projet de loi anti-trans